Ce matin, juste après mon arrivée, les familles ont fermé le portail qui donne accès au camp. Avec une chaîne et un cadenas. On peut rentrer à pied mais pas en voiture.
L'idée est d'empêcher tout véhicule d'entrer, notamment les véhicules qui amènent la nourriture. Et aussi d'éviter des éventuelles expéditions punitives de la part de la population locale.
En effet, suite aux derniers événements (souvenez-vous d'Ali Baba), le superviseur ne décolère pas et a dit à certains occupants du camp que des gens du village voulaient venir détruire le camp. Info? Intox ? Menaces? Intimidations ? Rumeurs ?
Le superviseur a également tenté de me faire peur en demandant à ce que les volontaires quittent le camp car l'armée le considère désormais comme dangereux. J'ai refusé et informé le superviseur que j'attendais que ce soit l'armée qui me l'annonce. Quant aux autres volontaires, je ne vois pas comment ils pourraient quitter le camp du jour au lendemain.
Plus qu'une crainte pour notre sécurité, cela ressemble plus à une punition du genre "ah vous ne voulez pas de la nourriture ?! Et bien, vous n'aurez plus rien du tout".
Entendons-nous bien: quelle que soit la tension entre les réfugiés et les organisations notamment le service de distribution, je ne me suis jamais sentie en danger. Jamais. Et je ne dis pas ça parce que ce sont des "gens gentils". Il faut pas se leurrer: parmi les familles, il y en a des très pénibles, hein, c'est des humains quoi.
Mais je sais très bien que dès que je veux quitter le camp, ils m'ouvriront le portail. Je n'ai pas été prise en otage, il ne s'agit pas de violence, ou de négociations.
Les réfugiés ne veulent plus qu'on leur delivre de la nourriture qui va directement à la poubelle, c'est leur seule demande.
Sauf que la colère du superviseur est tellement disproportionnée que ça en deviendrait presque louche. Maintenant les familles parlent du "cercle des voleurs" ; le sentiment d'être victime d'un complot ne fait que grandir.
Heureusement, ceux qui organisent les "opérations" ont bien compris qu'ils avaient tout intérêt à ne pas faire de dégâts, à ne pas avoir de comportements violents, et à être respectueux envers les volontaires.
Nous verrons donc ce qui se passe demain. Armée ou pas ? Volontaires ou pas ? Visites de la population locale ou pas ?
Édit: on m'a effectivement laissé sortir avec mon véhicule, en refermant le portail derrière moi. On m'a fait des grands sourires en me disant à demain, et on est retourné tranquillou à son match de basket.
